Même si l’Éthiopie ne fut jamais colonisée et malgré des indépendances précoces (le Liberia en 1847 et l’Union d’Afrique du Sud en 1910), les prémices de l’émancipation de l’Afrique remontent à la Première Guerre Mondiale.
Pour les Européens, ce conflit est l’occasion de côtoyer des « frères d’armes » africains (plus d’un million d’Africains sont mobilisés), ce qui change leur regard sur eux. Le tirailleur sénégalais et le tirailleur algérien voisinent avec le poilu dans le livre des images d’Épinal militaires françaises. Pour les Africains, la guerre permet de rompre avec le rapport déséquilibré du colonisé à son « maître », à tel point, par exemple, qu’en « Guinée, le retour des anciens combattants fut le prélude de grèves, d’émeutes dans les camps de démobilisation et d’une contestation de l’autorité des chefs. » Le traité de Versailles de 1919 dépouille l’Allemagne de ses colonies, que les vainqueurs se partagent, ce qui trace à peu près les frontières de l’Afrique actuelle. Le sentiment anticolonial continue à se développer en Afrique après la guerre, ainsi que, modestement, dans les pays occidentaux. Le président américain Woodrow Wilson, dans son programme de paix (les Quatorze points de Wilson), rédigé en amont de la conférence de paix de Paris (1919), mentionne explicitement l’auto-détermination des peuples, ce qui inspire et légitime les mouvements anticolonialistes et nationalistes africains. Ces mouvements se font entendre, comme le Wafd, délégation égyptienne qui souhaite participer à la conférence de Paris pour y plaider l’indépendance de l’Égypte et dont les membres sont déportés par les autorités anglaises. Certains obtiennent d’être entendus par la Société des Nations, tel le National Congress of British West Africa, mouvement indépendantiste de la Gold Coast (actuel Ghana), représenté par J. E. Casely Hayford, qui obtient une audition internationale au début des années 1920. Dans le prolongement, les années 1930 voient la montée des formes de résistance et de syndicalisation qui déboucheront ultérieurement sur les indépendances. Cependant, dans le même temps, en 1931, en France, s’organise l’exposition coloniale, symbole de l’unité de la « plus grande France », faisant suite à la British Empire Exhibition de 1924. À cette époque, à l’instar de la France, les métropoles ne sont pas prêtes à se détacher de leurs colonies. Les empires ont permis de gagner la guerre, grâce aux hommes, mobilisés de force, et aux ressources, réquisitionnées pour alimenter les mères-patries. En 1935, l’Italie fasciste décide même d’envahir l’Éthiopie, où elle se maintient jusqu’en 1941, faisant preuve de persistance dans l’idéologie colonialiste.
La Seconde Guerre Mondiale est un tournant crucial. Durant le conflit, les « coloniaux » s’illustrent à nouveau sur les champs de bataille, mobilisés par centaines de milliers, essentiellement par la France et l’Angleterre. En août 1941, Winston Churchill et Franklin D. Roosevelt, signent la Charte de l’Atlantique, laquelle préfigure la Charte des Nations unies (1945) ; ce faisant, « ils signaient du même coup l’arrêt de mort, pour le restant du XXe siècle de l’idée de légitimité du colonialisme. » L’évolution des modes de pensée consécutive à la guerre tend à rendre insupportable l’idée même du colonialisme : « La raison même d’être de la guerre, lutte contre la tyrannie et la conquête, semblait condamner le colonialisme. » L’année 1945, fin de la guerre, est aussi la date du congrès panafricain de Manchester, qui marque le début du panafricanisme militant. L’après-guerre voit des élites africaines, formées aux États-Unis ou en Europe (Julius Nyerere, Jomo Kenyatta, Kwame Nkrumah, Nnamdi Azikiwe…), prendre en main la contestation du modèle colonial, dénoncé comme étant au service exclusif des Blancs.
Des partis politiques sont créés, tels le Convention People’s Party (Gold Coast ou Côte-de-l’Or, actuel Ghana, 1949), le Rassemblement démocratique africain (fédération de partis politiques des colonies françaises, 1947) … dont les dirigeants seront les principaux hommes politiques des futurs États indépendants. Les revendications d’après la Seconde Guerre mondiale sont plus affirmées : les « mouvements, qui réclamaient auparavant un plus grand rôle dans l’administration, en viennent à exiger les rênes du pouvoir. »
L’après-Seconde Guerre mondiale est aussi le moment où le monde voit les centres de pouvoir se déporter nettement de l’Europe vers les États-Unis et l’URSS. Succédant à la SDN, « l’O.N.U. devint ainsi la tribune de l’anticolonialisme militant. » La tonalité anticoloniale de sa charte dérive de l’influence de l’URSS, alors qu’aucun pays européen n’est, à ce moment, sur la même ligne politique. Au contraire, les puissances coloniales se raidissent, effrayées, dans le contexte de la guerre froide, par une possible « subversion communiste » (sic), et elles répriment violemment toutes les manifestations politiques (par exemple, l’insurrection malgache de 1947 ou celle du Kenya dans les années 1950). Les États-Unis, pour leur part, encouragent discrètement les mouvements indépendantistes, à condition qu’ils n’aient pas partie liée avec le communisme. L’URSS soutient elle aussi les mouvements indépendantistes, en lutte contre « l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme ».
Pour plus d’informations :
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Afrique
- https://en.wikipedia.org/wiki/Africa
- https://africacenter.org/
- https://journals.openedition.org/etudesafricaines/
- https://etudes-africaines.cnrs.fr/
- https://journals.openedition.org/etudesafricaines/
- https://www.afdb.org/fr/documents-publications/economic-perspectives-en-afrique-2024